Mathys Guimaud, élève de 4eC et élu au conseil départemental des jeunes, a échangé avec le psychologue de l’Education Nationale du collège, (autrefois appelé “conseiller d’orientation”) pour en savoir plus sur son métier, ses missions, son parcours…
Bonjour, en quoi consiste le métier de « psychologue de l’éducation nationale » ?
En priorité, nous ciblons et recevons les « élèves à besoins éducatifs particuliers », à savoir ceux atteints de problèmes psychologiques, de handicaps, des élèves « dys », ou ceux qui peuvent adopter des conduites à risque, qui présentent une phobie scolaire… Mais nos missions sont très étendues :
- Informer, accompagner les élèves et leurs familles, notamment de 3eme, pour leur orientation, en lien avec la communauté éducative (infirmière, assistante sociale, professeurs…)
- Mener des évaluations d’élèves, à travers des tests, des évaluations et divers outils, pour déceler d’éventuels problèmes affectifs, sociaux, psychologiques
- Conseiller le chef d’établissement en matière d’orientation, d’accompagnement des élèves ayant des difficultés psychologiques…
- Gérer des situations de crise
- Accompagner les équipes en matière de « différenciation pédagogique » pour accompagner les élèves individuellement
- Accompagner la lutte contre le décrochage scolaire
- Si nous avons le temps : mener des séances collectives autour de l’orientation ou de la prévention…
Toutes ces missions doivent être menées en un temps très contraint : je ne suis présent qu’une journée au collège, les Psychologues de l’Education nationale gèrent plusieurs établissements, nous faisons également des permanences toutes les semaines au CIO (Centre d’Information et d’Orientation) de Cenon.
Pouvez-vous nous expliquer votre parcours pour faire ce métier ?
J’ai obtenu un bac général, puis je me suis orienté vers une licence en psychologie (3 ans) puis un master en psychologie, spécialité psychologie du travail à l’Université de Bordeaux. J’ai obtenu mon diplôme et le titre de psychologue, puis ai passé le concours de « psychologue de l’éducation nationale ». Il faut ensuite faire un stage d’un an, partagé entre l’université, le Rectorat et l’INSPE (Institut national supérieur du professorat et de l’éducation). Cela fait 5 ans que j’ai fini mon stage et que je travaille dans les établissements scolaires.
A quels problèmes les élèves sont-ils le plus souvent confrontés ?
La plupart des élèves que nous recevons viennent pour des problématiques d’orientation. Un peu perdus, ils ont besoin d’un accompagnement, dans la « jungle » des informations qui existent sur internet par exemple. Je reçois plutôt ceux qui ne savent pas quoi faire, ou qui ont des difficultés et se destinent à des études courtes. Car l’orientation nécessite un vrai travail personnel et un engagement, et beaucoup de temps. Il faut aller chercher l’information, des stages, des rencontres. J’apporte mon aide, à l’élève et à sa famille, pour organiser ce travail, cette recherche.
Pour la partie « psychologique », je suis confronté à beaucoup d’élèves « dys » : dyscalculie, dyspraxie, dysorthographie… Des tests permettent d’écarter des problèmes de type cognitif, qui nécessiteraient dans ce cas une orientation en SEGPA. Un handicap reconnu par la MDPH permettant quant à lui une orientation en ULIS avec inclusion en classe ordinaire.
Je suis aussi confronté, plus rarement heureusement, à des problématiques de souffrance psychologique, liées parfois à des situations de maltraitance, à des situations de détresse émotionnelle… dans les cas les plus graves pouvant malheureusement conduire à des risques graves.
La crise sanitaire a-t-elle aggravée ces problématiques ?
Oui, c’est certain, et cela a été documenté au niveau national : la pandémie a augmenté les situations de mal-être et de souffrance des enfants. Mais ici, je ne peux pas constater cette hausse : avant même la crise sanitaire, mon agenda était déjà rempli, je ne pouvais déjà pas recevoir tous les élèves en difficulté ou en souffrance. Aujourd’hui, nous n’avons pas plus de temps qu’auparavant : je ne suis toujours qu’un seul jour par semaine au collège.
Concrètement, comment aidez-vous les élèves ?
Je les reçois en entretien individuel, les informe, je peux organiser des tests qui permettent de les positionner quant à leur orientation par exemple, ou d’éventuelles difficultés psychologiques ou cognitives. Par exemple, un test de « QI » permet d’évaluer la mémoire de travail à court terme, la rapidité d’exécution, la compréhension verbale, l’indice visuo-spatial, le raisonnement fluide ou la capacité à résoudre des problèmes.
Un psychologue de l’éducation nationale ne peut faire une « psychothérapie » longue, mais propose à l’élève un soutien ponctuel, avec un relais possible avec l’infirmière ou l’assistante sociale. Je noue le dialogue avec l’élève, mon objectif étant qu’il ressorte de cet entretien mieux qu’il n’y est rentré… Ce qui est d’ailleurs dans le code de déontologie des psychologues. Si un suivi est nécessaire, je peux, après discussion avec la famille et l’élève, l’orienter vers un pédo-psychiatre ou une structure susceptible de l’accompagner.
Comment vient-on voir le psychologue ?
L’élève peut bien sûr venir directement, de sa propre initiative ou à la demande de sa famille, en prenant rendez-vous. Il peut aussi être orienté par la vie scolaire, un professeur principal, le chef d’établissement, ou toute autre personne de l’établissement… Bien sûr, il faut que l’élève adhère à la démarche, et c’est mon travail de le convaincre, avec le soutien de la personne qui me l’a adressé.
Êtes-vous seul à accompagner les élèves face à leurs problèmes et leur orientation ?
Non, nous travaillons en équipe au sein du collège : les équipes enseignantes, la direction, l’infirmière, l’assistante sociale. Cela fait d’ailleurs partie du « référentiel de compétences » de notre métier. Ensuite, nous travaillons avec beaucoup de partenaires, médicaux ou médico-sociaux (CMPEA, hôpitaux, psychologues libéraux…), la MDPH. Pour l’orientation nous travaillons avec les partenaires classiques, comme les Missions locales, Pôle emploi, les PLIE, les associations et mairies… Nous travaillons bien sûr avec les autres niveaux de l’éducation nationale, du 1er degré au supérieur.
Est-ce qu’on consulte plus qu’avant les psychologues ?
Oui, il y a eu un travail de « dédiabolisation » et les enfants et les familles n’ont plus « peur » ou ne se sentent plus stigmatisés comme autrefois quand ils vont voir un psychologue. C’est également positif que l’appellation ait changé (l’appellation du métier était conseiller d’orientation – puis conseiller d’orientation psychologue, pour devenir « psychologue de l’éducation nationale » en 2017).
Cela peut être lié également à la « crise de la psychiatrie », la France manque de psychiatres, il y a de gros problèmes de recrutement et la filière n’intéresse plus les étudiants. Les gens se tournent donc davantage vers les psychologues par la force des choses, s’ils ont les moyens, ou pour certains en bénéficiant de 8 consultations gratuites auprès des psychologues inscrits dans le dispositif https://monpsy.sante.gouv.fr/ .
Est-ce que vous pensez que l’orientation et l’accompagnement psychologique des élèves se sont améliorés dans l’éducation nationale ?
Oui, il y a eu de gros progrès, avec le recrutement de « vrais » psychologues, détenteurs du titre de psychologue et qui ont suivi l’ensemble du cursus, ce qui n’était pas le cas avant. Autre point : avec le parcours avenir, l’orientation est devenue un vrai enjeu dès la classe de 6eme, et des actions d’information, de sensibilisation peuvent être menées par le collège tout au long de la scolarité de l’enfant.
Malheureusement, ces progrès n’ont pas été accompagnés en parallèle par les créations de postes qu’ils supposeraient : en moyenne en France, un psychologue de l’éducation nationale a en charge 1600 élèves, alors qu’en Europe la moyenne est de 800 environ. Par exemple, sur la rive droite, nous avons en charge de nouveaux établissements, mais pas de nouveaux postes.
Entretien réalisé par Mathys GUIMAUD – 4°C, pour les Démocra’teens